Petite jasette – Tvestroy avec Andrée Préfontaine

A.P: Quelle expérience sonore avez-vous vécue dans l’espace acoustique et rectangulaire de l’église Sainte Bridgid?

Danny: Je m’attendais à une réverbération qui allait brouiller le son. À ma grande surprise, le système de son modeste à été significativement amplifié par le lieu. Le son était très clair et très puissant. La légère réverbération donnait un aspect cérémonial à la pièce.

Thomas: Nous y avons mis tout le jus, mais malheureusement nous n’avons pas été capable de décrocher le petit Jésus de sa colonne. Sérieusement, l’espace était très intéressant. Je ne pouvais m’empêcher de sourire chaque fois que je percevais la réverbération (d’au moins une demie seconde de délai). Je crois qu’elle était plus perceptible avec notre performance que les deux précédentes parce que nos sons ont tendance à couper sec.

A.P: Considérant que l’église fut un lieux de diffusion qui a vu la naissance des premiers orchestres à la renaissance dans quelle mesure c’est un environnement propice aux événements de musiques électroniques, actuelles?

Danny: Le lieu de présentation, une église, augmente l’expérience de médiation totale entre la pièce et le public. Le philosophe Gadamer spécifie que « La parole de la prédication accomplit exactement la même médiation totale qui incombe ailleurs à l’action cultuelle, comme dans la sainte messe. ». L’expérience de médiation totale ne peut être que rehausser si l’on présente l’œuvre dans un lieu sacré, si l’on remplace le curé par le dispositif de présentation l’œuvre et si on utilise la réverbération du lieu comme amplificateur. Ici l’aspect cérémonial de la médiation totale, telle que définie par Gadamer, est littéralement exploitée et vérifiée.

A.P: De tous les objectifs à rencontrer lors de la finalisation du projet lequel prime le plus?

Danny: La cohérence dans la composition, Thomas a beaucoup travaillé à rendre les enchaînements plus subtils. Un autre objectif était de rendre la prestation plus facile à réaliser en minimisant les appareils techniques.

A.P: La référence historique de l’anecdote télévisuel de Vrillon comme introduction au spectacle tend à camper , justifier à plusieurs niveaux l’esthétique de l’électronique bending. Pouvez vous nous en parler car ce document sonore qui débute le spectacle est un artefact qui parait presque comme un élément plastique qui fait référence à la science-fiction pour les non-initiés.

Danny: Le “cable bending” était un point de départ. Avant, nous utilisions des machines externes pour manipuler les images lors des premières expériences, d’où cette expression. Maintenant tout a été inclut dans la programmation.

Thomas: Nous avons créé les termes “cable bending” et “électrovidéoacoustique” pour définir les techniques exploitées dans Tvestroy (nous ne sommes définitivement pas les premiers à utiliser ces techniques, mais je crois qu’il n’existait pas de terme préalable pour les identifier clairement). Je définirais “l’électrovidéoacoustique” en tant qu’un assemblage audiovisuel, réalisé à partir d’éléments enregistrés et/ou synthétisés, dont les composants visuels et auditifs sont indissociables. Évidemment, l’électrovidéoacoustique emprunte beaucoup à l’électroacoustique. Le “cable bending”, proche parent du “circuit bending” (qui consiste en la création de nouveaux sons à partir de court-circuits et de connexions aléatoires à l’intérieur d’appareils), traite le son, l’image et le contrôle sur le même pied d’égalité électrique. À partir de cette uniformisation des signaux audiovisuels on peut interconnecter les entrées et sorties d’une multitude d’appareils sans distinction. En fait, on pourrait dire que le “cable bending” est du “macro circuit bending “. Dans le cas de Tvestroy, nous “bendons” la vidéo vers l’audio en déconstruisant l’influx électrique d’un signal vidéo VGA en trois signaux audio (un signal pour chacune des trois couleurs fondamentales rouge, vert et bleue). Nous avons commencé nos explorations avec le “cable bending” en fixant des câbles d’amplificateurs à des écrans de télévisions pour ensuite développer nos propres méthodes. À cause de cet historique de “piratage” de téléviseurs à petite échelle, je me suis intéressé aux vrais pirates des ondes. Malheureusement/heureusement, il en existe très peu (voir note 1), mais les plus intéressants, selon moi, sont les incidents de Max Headroom (2) et Vrillon (3), pour lesquels les responsables n’ont jamais été identifiés. Cette anonymat ne fait que renforcer le discours de Vrillon, qui se fait passer pour un extraterrestre qui désire réformer la race humaine. L’esthétique visuelle était déjà déterminée (je traîne ce style graphique depuis longtemps), mais c’est en imaginant Tvestroy comme étant la suite de ce message pirate, un genre de segment hypnotique réformateur, que s’est développé la trame musicale.

Notes:

1: http://en.wikipedia.org/wiki/Broadcast_signal_intrusion#Confirmed_events
2: http://en.wikipedia.org/wiki/Max_Headroom_broadcast_signal_intrusion_incident
3: http://en.wikipedia.org/wiki/Vrillon

A.P. L’évolution de votre travail a apporté beaucoup de cohérence au plan plastique. Quel serait l’aspect du projet qui pourrait dans l’avenir se voir complexifier?

Danny: L’installation de téléviseurs sur scène vient rajouter visuellement une dimension scénographique . Peut- être de “désaplatir” le dispositif de projection vidéo pourrait être intéressant afin d’explorer la projection dans l’espace. Mais pour ma part j’aimerais travailler sur un projet ayant une esthétique moins agressive, car j’ai trouvé parfois souffrant de regarder des lignes qui clignotent pendant des heures!

Thomas: Je ne pencherais certainement pas pour la complexification! J’ai passé les deux derniers mois à rendre la technique plus simple et la composition plus facile 🙂 Par contre, je crois qu’il reste plusieurs éléments électrovidéoacoustique à explorer. Je pense entre autres à la couleur, dont on ne voit qu’un court échantillon lors des trois dernières minutes de la performance.

Entrevue dirigée par Andrée Préfontaine artiste et vice-présidente de Artengine.

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