En me rendant à l’exposition Flagrant délit. La performance du spectateur qui se tenait au Musée des beaux-arts du Canada du 17 octobre au 15 février dernier, les grandes portes de l’entrée principale se sont ouvertes devant moi sans que je ne les touche, me faisant passer d’une zone extérieure froide à une zone intérieure chauffée par un système de climatisation contrôlé. Ce passage à complètement modifier mon expérience acoustique, visuelle et olfactive. La préposée de la billetterie, en appuyant sur des touches, a créé un billet pour moi en émettant des sons. Les mathématiciens et ingénieurs immigrants travaillant comme gardiens de sécurité du musée (oups! ça c’est un autre sujet) ont activé, à l’aide d’un bouton, une installation métallique afin d’y accrocher mon paletot. Pendant que je me soulageais la vessie de mes nombreux martinis, je me suis inclinée pour attacher les lacets de mes bottillons, activant le senseur et indirectement la chasse d’eau automatisée de la cuvette sur laquelle je siégeais, ce qui me vaporisa les fesses avec surprise et agrément. La satisfaction et les expériences interactives surprenantes sont nombreuses aux Musée des beaux-arts du Canada, elles ne sont cependant pas nécessairement dans les galeries. Flush . . .
Le titre de l’exposition était pourtant prometteur: Flagrant délit. La performance du spectateur. Suite à ma visite je n’arrivais pas à comprendre la raison et le lien de cet assemblage d’installations disparates; j’ai donc fait ce que je fais trop rarement: consulter la description de la commissaire. Sur le site web du musée ainsi que dans ses brochures publicitaires, on décrivait l’exposition Flagrant délit. La performance du spectateur comme “une exposition dynamique et novatrice” […] “expérimentale et, avant tout, expérientielle, qui permet aux spectateurs de participer activement au processus de création artistique et d’entrer en relation directe avec des oeuvres” que l’on qualifie plus tard de “tributaires” de la participation du spectateur. J’ai alors compris pourquoi l’exposition avait si peu d’impact sur moi comme spectateur: ses fondements se concentraient sur des attributions que l’on donne aveuglément aux oeuvres ”interactives” et ce, sans l’application d’aucune direction ou sens critique et surtout, sans tenir compte du fait flagrant que ces attributs se trouvent dans toutes les expositions, interactives ou non.
Quand on dit “avant tout, expérientielle”, qu’est-ce qu’on veut dire? Toute exposition n’est-elle pas expérientielle? On semble ici supposer une hiérarchie de l’expérience. Est-ce que la rencontre d’oeuvres tactiles, électroniques ou interactives serait plus expérientielle, plus profonde ou plus complexe pour le spectateur qu’une expérience avec une peinture ou une sculpture? Je dirais que non. L’expérience interactive avec les technologies est devenu un élément banal, un seconde nature chez la plupart des humains, son expérience n’a donc plus rien d’extraordinaire.
Autre délire, une oeuvre d’art n’est-elle pas toujours “tributaire” de la participation du spectateur? N’a-t-elle pas (comme l’arbre qui tombe dans la forêt) besoin d’un témoin, d’une lecture pour exister? Quand à l’idée de “participation active du spectateur au processus de création” en quoi un spectateur participe-t-il plus activement en parlant dans un micro, en sentant la chaleur d’un fil de fer ou en marchant sur une structure que quelqu’un qui regarde une peinture ou se déplace autour d’une sculpture?
La plupart des oeuvres interactives ne sont pas plus ouverte à la création du spectateur que toute autre forme d’art. Les oeuvres sont construites et programmées en attente d’un spectateur, comme une peinture est structurée selon un langage visuel produisant des compositions et effets optiques. Dans les deux cas, les paramètres de l’oeuvre ne sont pas modifiés par la participation du spectateur. La lecture de l’oeuvre interactive peut inclure le toucher ou le mouvement du corps, mais le spectateur ne modifiera pas le langage de l’oeuvre, sa programmation. À la personne qui argue que l’expérience d’une oeuvre interactive est différente pour chacun des spectateurs, je demanderais de prouver que la lecture d’une même peinture donne le même résultat sur deux personnes. Et cette participation encore une fois, est-elle plus active, plus créative que la lecture d’une sculpture demandant une reconstruction du volume impliquant nécessairement une expérience kinesthésique du spectateur? La lecture de plusieurs oeuvre interactives débute et se butte parfois à la recherche de son fonctionnement, mais une fois le subterfuge trouvé, à la question “pourquoi ça interagit avec moi, quel en est le sens, qu’est-ce que ça ajoute au contenu, à la forme ou à mon expérience”, la question reste souvent sans réponse satisfaisante.
Ici, la commissaire, en rassemblant des oeuvres sous le prétexte qu’elles sont toutes interactives et participatives sans exprimer d’autres liens ou sans apporter un discours critique ou même imaginaire, fait un exercice similaire à un commissaire qui organiserait une exposition de sculpture en soulignant que pour toutes les oeuvres, le spectateur devra se déplacer, ouvrir ses yeux et reconstruire mentalement la tridimensionnalité de l’oeuvre sans dire en quoi le choix des oeuvres fait sens au niveau artistique. De plus, en mettant une emphase particulière sur le fait que ces oeuvres sont participatives, expérientielles et tributaires de l’activité du spectateur, on dénigre l’activité de lecture des oeuvres d’autres traditions artistiques. Le déversement de mon commentaire porte le poids de frustrations multiples reliées au discours sur l’interactivité dans l’art qui dépasse le délit critique de cette exposition. Malgré le manque de discours critique de la commissaire, elle a le mérite d’avoir assemblé une exposition présentant une diversité d’installations, ce qui est bien trop rare au Musée des beaux-arts du Canada. Peut-être est-ce pourquoi on qualifiait cette exposition de novatrice et expérimentale . . .
À bientôt!
Diane35 xx
(Artengine note: We apologize for the incorrect spelling of oeuvre. It seems impossible to present the e dans l’o with the blogging software we use so you will have to imagine them cuddling each other like they should be.)
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