>Le génome, chez l'homme, serait une succession de trois milliards d'unités biochimiques disposées dans un ordre, une séquence très précise. Grâce aux recherches biologiques et aux progressions dans le domaine informatique, nous serons tous déchiffrés, chose bénéfique pour certains et maléfique pour d'autres, si nous n'arrivons pas à contrôler les détenteurs du savoir et du pouvoir.

>Pourquoi se mêler à un débat scientifique, éthique et politique ? Le geste artistique ne serait-il pas simplement l'expression d'une configuration génétique, comme me le disait laconiquement le directeur d'une entreprise d'analyse diagnostique génétique ?

>Sans doute, les gènes font partie de la cuisine créative, mais le mystère de l'âme humain avec ses exclamations et éclats artistiques divers ne sera pas enlevé par les magiciens de la pipette ! Nous resterons toujours >confrontés à l'énigme de la créativité et de la vie tout court.

>Néanmoins, nombreux étaient les philosophes (Platon, Nietzche), les utopistes (Morus, Huxley), les racistes (Hitler, Mussolini) qui, à l'instar des chercheurs et exploitants génétiques d'aujourd'hui, rêvent de créer une espèce d'homme " amélioré ". En 1935, Hermann Joseph Muller, détenteur d'un prix Nobel, prétendait que " l'élevage " contrôlé de l'homme pourrait un jour produire artificiellement des qualités génétiques, des génies comme Lénine, Newton, Da Vinci, Pasteur, Beethoven, etc. En cette fin de siècle, ce genre de discours revient à la mode. En Allemagne, le philosophe Peter Sloterdijk a tout récemment soulevé un tollé général avec ses spéculations (affirmatives) sur la " production génétique humaine ". Laisser doucement s'entrouvrir la porte pour arriver à des manipulations " progressives " ? Cloner ensuite pour recréer le même individu dans des séquences identiques ? Comme s'il n'avait pas suffi d'avoir eu un Hitler, un Staline, un seul Milosevich, sacrifice ! Et quoi faire avec deux Einstein ? Ou deux Bill Gates ? Sinon pour créer artificiellement un compétiteur semblable dans >un domaine ultra-puissant, où bientôt un monopole mondial régnera...

>Autour et au-delà des gènes reste alors la gêne: La gêne d'être dénudé dans notre matière première pour subir toute sorte de manipulations, c'est gênant ! Certes, des gènes défaillants nous jouent des mauvais tours avec de multiples maladies graves et des souffrances horribles. Serons-nous capables de nous servir des découvertes biologiques à des fins médicales bénéfiques ? Comment ne pas devenir la proie des multinationales puissantes et ne pas être gênés par les manipulations économiquement rentables mais humainement et écologiquement détestables ?

>Comme artiste, après avoir étudié les lois du marché et travaillé pendant plusieurs années comme journaliste ainsi que dans une grande multinationale pharmaceutique, j'essaye de visualiser ce que je ressens autour du génétique. L'oeuvre est à la fois le résultat d'une combinaison de réflexions approfondies et d'expressions spontanés. Ayant des connaissances très limitées en biologie j'aimerais bien croire les chercheurs sérieux qui prétendent que la complexité moléculaire est beaucoup trop grande pour arriver à " fabriquer " l'homme génétiquement " épuré ". Mais cette époque de commercialisations rapides et des recherches entamées souvent en secret, tout en étant de plus en plus esclave de la loi du profit, nourrissent les doutes ! Vont-ils même réussir à simplifier le plus complexe: L'énigme de la vie ?

>Réflexions et pulsions s'entremêlent dans une construction polyvalente. Une dichotomie entre l'ordre et le chaos s'installe. Abstraction géométrique et expressive entrent dans un dialogue. Le secret de la création se trouve en partie dans l'éprouvette, en partie dans le vécu individuel, en partie dans l'environnement social et naturel qui nous entoure. Les différentes parties des oeuvres reposent sur des poutres en bois et sont liées par des bandes métalliques " ornées " par des images génétiques. Il s'agit de chasser l'imaginaire dans la matière, au delà de la notion.

>Cette installation parle du homo geneticus . Ceci en six personnages stylisés, dont chacun représente une lettre du mot GENÈSE, mystère et mythe autour de la naissance de l'espèce humaine. Sans doute, la biologie moléculaire et génétique va défier la genèse et mettre l'humanité devant des choix dramatiques.

>La tête, une boîte tridimensionnelle en feuilles d'aluminium trouées, parle de notre incapacité de tout voir et comprendre à sa juste valeur. Elle cache une petite lumière à la mémoire de la création de l'homme qui, au delà du savoir et de la raison, évoque l'âme.

>Sur les épaules, nous portons le poids de notre production, de nous enquêtes, de nos questionnements: la nécessité et la gêne aussi de nos critiques vis-à-vis des découvertes et des acquis. Ça pèse comme du métal (le matériel choisi). Les couleurs (noir, blanc, ocre et rouge) font allusion aux couleurs " divines " de nos ancêtres, les magiciens des terres et des Dieux. Des phrases ironiques sur le génie génétique sont imprégnées sur ce support sobre.

>La partie " ventre " se joue sur une toile blanche (plutôt molle) et parle de nos tripes. Puis, s'ajoute une petite plaque métallique où se joue l'énigme de nos pulsions (plaisirs, angoisses et espoirs) les plus profondes. Des symboles (vases, gènes stylisés, grilles et croix) dansent sur un plateau non défini.

>Plus bas suit la partie génitale, porteuse de nos transmissions génétiques, de la vie tout court. Artistiquement, un traitement de couches de papiers transparents sur toile dans lesquelles " nagent " des super-gènes (en forme de double-hélices), entourés des symboles d'énigmes.

>Les " personnages " reposent sur un socle en métal, évoquant le mystère des stèles. Les transferts sur ces pièces métalliques signifient la commercialisation de l'être humain en tant que proie une fois décrypté.

>>10 ans déjà: Sakharov est mort en novembre 1989, et en décembre de la même année, le mur de Berlin est tombé !

>L'impertinence de Sakharov, chercheur scientifique russe et lutteur acharné pour les droits de l'homme, fait de lui un exemple rare de combat pour la liberté ainsi qu'un ennemi des opportunistes de toutes sortes. Sakharov peut compter comme un des héros de la chute de l'empire soviétique, symbolisé sur cet assemblage mural par un morceau de mur de Berlin. Ce morceau peut également être vu comme une pierre qu'on peut lancer contre des institutions néfastes ou contre des personnages méprisables, dangereux pour le mieux du destin humain.

>Depuis quelques années, Élena Bonner s'affaire à la création d'un fonds d'archives en honneur de son mari défunt. Son travail est en partie disponible sur Internet (transfert sur plaque métallique). Questionnement sur les vitres: L'engagement de ces deux lutteurs pour la liberté relève-t-il d'un mystère génétique? Y a-t-il un " gène rebelle "?

>Sur la photo (intégrée dans l'oeuvre): L'artiste (alors journaliste) est en discussion avec le couple célèbre au cours de l'été 1989 en France.

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